3 juillet 2018

Contribution du développement international : essais randomisés contrôlés et cartographie des incidences

 

Résumé : Les acteurs du développement international ont un grand intérêt à connaître l’impact de leurs interventions. Le domaine propose une grande diversité d’approches. Certains économistes du développement proposent d’établir l’impact d’une intervention en recourant à des méthodes expérimentales.

Les pratiques d’évaluation développées en Occident, aux États-Unis en particulier, notamment pour de grands projets d’infrastructures, se sont rapidement étendues dans le domaine du développement international qui était alors également en expansion à travers notamment les activités de la Banque mondiale. Les modèles économiques comme l’ACA et les études d’impacts (social impact assessments tels que définis par l’IAIA, voir section suivante de la ligne du temps) se sont ainsi déployées à travers le monde.

De plus en plus, on a cherché non pas uniquement à mitiger les impacts potentiellement négatifs, mais surtout à maximiser les impacts positifs. Pour établir si une intervention génère les résultats escomptés, certains économistes du développement recommandent de recourir à des approches expérimentales inspirées du milieu des sciences (Banerjee et Duflo, 2009). La notion d’impact, beaucoup plus « quantitative », est alors abordée de manière rétrospective avec pour objectif d’établir des liens de causalité. L’ouvrage de la Banque mondiale définit l’évaluation d’impact de la manière suivante :

Évaluation d’impact. Une évaluation d’impact est une évaluation qui tente d’établir un lien causal entre un programme et des indicateurs de résultats. Une évaluation d’impact tente de savoir si le programme est directement responsable de changements dans les indicateurs de résultats à l’étude. Se différencie de l’évaluation de processus. (Gertler et Banque mondiale, 2011, p. 232)

C’est probablement dans le domaine du développement international que les méthodes déployées se sont le plus rapprochées de l’idéal d’une mesure d’impact social définie comme l’établissement de la preuve d’un lien de causalité entre une intervention et un résultat observé. En effet, ces grandes interventions financées par des fonds philanthropiques (privés ou publics) accordent une plus grande attention à l’utilisation d’un « contrefactuel » convaincant, que ce soit en déployant des méthodes de type essai randomisé contrôlé, de l’anglais randomized controlled trial (RCT) ou d’autres designs quasi expérimentaux qui s’en approchent.

Des questions sur la désirabilité et la faisabilité de cette vision de la mesure d’impact social sont régulièrement soulevées. Ainsi, au début des années 2000, des auteurs associés au Centre de recherches pour le développement international (CRDI) (Mayne, 2001) ont argumenté qu’il était plus raisonnable, plutôt que de parler d’impact au sens de preuve d’un lien de causalité entre une action et un effet, de parler d’une association plausible telle qu’une « personne raisonnable serait d’accord pour dire, à partir des preuves et arguments, que le programme a contribué de manière importante au résultat observé » (Mayne, 2012). Ainsi est né l’analyse de la contribution ainsi que la méthode de cartographie des incidences (outcome mapping), à laquelle se réfère une communauté assez importante d’évaluateurs dans les pays en développement.

Vingts ans plus tard, alors que les co-fondateurs du Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL) ont reçu le prix de la Banque de Suède 2019 en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel pour “leur approche expérimentale de la réduction de la pauvreté mondiale” (J-PAL, 2019), tout indique que ce débat sur le niveau de preuve attendu lorsqu’on parle d’impact est loin d’être clos (voir la section Prouver l’impact ? Causalité, attribution et contribution). Peu importe notre avis sur la question, ces débats sont pertinents dans la mesure où ils définissent la conception qu’on se fait du sujet de la mesure d’impact social aujourd’hui.


Références

Banerjee, A. V. et Duflo, E. (2009). L’approche expérimentale en économie du développement. Revue d’économie politique, 119(5), 691. doi:10.3917/redp.195.0691

Gertler, P. et Banque mondiale. (2011). L’évaluation d’impact en pratique. Washington, D. C. : Banque mondiale.

J-PAL. (2019, 10 Décembre). The 2019 Nobel Prize-winning scientific movement that can transform US policymaking. Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL). https://www.povertyactionlab.org/blog/12-10-19/2019-nobel-prize-winning-scientific-movement-can-transform-us-policymaking

Mayne, J. (2001). Addressing attribution through contribution analysis: using performance measures sensibly. The Canadian journal of program evaluation, 16(1), 1.

Mayne, J. (2012). Contribution analysis: Coming of age? Evaluation, 18(3), 270–280.